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En octobre 2005, la CCV, communauté de communes du Villeneuvois (Lot-et-Garonne), mettait en route un projet d’utilisation d’huile végétale pure comme carburant pour ses dix camions de collecte des ordures ménagères (source).
« Nous espérons arriver à terme à faire circuler la totalité des 45 véhicules de la flotte des différents services de la communauté de communes avec ce biocarburant. Cela représenterait 160.000 litres par an, et une économie annuelle de 50.000 euros, sur la base des tarifs actuels du gazole », affirmait alors Olivier Dourthe, directeur de cabinet du président de la CCV.
On pourrait penser l’initiative encouragée par les autorités, à l’heure où les biocarburants ont la cote en haut lieu. Mais ce serait compter sans les effets du lobbying sur les lois et les pratiques.
Côté lois, il faut préciser que, bizarre, bizarre, seuls deux types de carburants propres sont autorisés en France, à l’heure actuelle. Il s’agit des éthers de méthyle (dérivés huilés) et des éthanols. Or ces deux types de carburants sont uniquement produits industriellement.
Le projet villeneuvois, utilisant de l’’huile végétale pure tombe sous le coup de la loi qui n’autorise l’utilisation de celles-ci que dans le cadre de l’auto-consommation des agriculteurs.
C’est du moins le raisonnement du préfet du Lot-et-Garonne qui a déféré, en février dernier, la collectivité devant le tribunal administratif.
Selon Libération du 7/06/06, les choses sont mal parties pour la communauté de communes, puisque le commissaire du gouvernement, se rangeant à l’avis du préfet, a requis l’annulation de la délibération d’octobre.
Ce n’est pas une surprise. Il y a un vrai conflit d’intérêt et une véritable question politique quant au fait de savoir quels types de biocarburants seront privilégiés. Parle-t-on d’un additif se combinant en très faible pourcentage avec les carburants à base de pétrole ? Ira-t-on vers une utilisation plus massive d’éthanol extrait de plantes produites à grand renfort d’engrais, de pesticides et d’OGM ? Ou donnera-t-on, pour une fois, un vrai contenu au cliché de "développement durable" ?
C’est, à l’évidence, dans cette voie qu’a souhaité s’engager la CCV qui explique sur son site le choix technique retenu :
« Pourquoi le choix du tournesol ?
Ne nécessitant ni l’abondance d’eau du maïs, ni les nombreux apports d’engrais du colza, la culture du tournesol correspond parfaitement à la nature des sols et au climat de notre région.
En outre, sa transformation en « HVP [1] qualité carburant » ne produit pas de déchets et ne consomme que très peu d’énergie. Les tourteaux issus de cette transformation sont très appréciés pour l’alimentation du bétail et constituent une plus-value pour l’agriculteur.
Produite localement, l’HVP permet ainsi de faire fonctionner le tissu agricole local et d’éviter les transports internationaux venant encore accentuer en négatif le bilan environnemental du gasoil. »
Une telle réflexion ne pouvait qu’entrer en conflit avec les intérêts industriels. Comme ils l’expliquent, « les élus de la CCV ont toujours su qu’ils heurteraient le Ministère du budget qui souhaite conserver à la taxe sur les produits pétroliers un rendement maximal. Vouloir empêcher l’utilisation de biocarburants, au mépris du bon sens, de l’intérêt économique des départements ruraux comme le Lot et Garonne, et du droit Européen n’a qu’un but et un seul : assurer des rentrées fiscales » (source).
Estimant que le droit communautaire doit l’emporter sur notre droit national, les élus se disent déterminés. « Si nécessaire toutes les voies de recours seront utilisées pour faire prévaloir le droit, le bon sens et l’intérêt général. »
[1] HVP : Huiles Végétales Pures.