D’un Grenelle l’autre

vendredi 23 novembre 2007.par Alain Richard
 
Le Grenelle de l’insertion saura-t-il s’attaquer au vrai problème de l’exclusion ?

Le Grenelle est décidément actuellement très ’tendance’. Après celui de l’environnement, celui de l’insertion ouvre ses travaux aujourd’hui à Grenoble, avant, sans doute, l’ouverture d’un Grenelle de la fiscalité locale, qui précédera lui-même le Grenelle de l’éducation ou du commerce de proximité ou de la santé publique, …

Pour l’heure, voici donc très officiellement ouvert le Grenelle de l’insertion qui devrait durer six mois et dont l’objectif est une refonte des dispositifs d’insertion et d’aides sociales.

On se souvient que cette fulgurante idée d’un tel Grenelle miraculeux était née le 2 octobre dernier à Dijon ; « Nicolas Sarkozy avait repris au bond la suggestion d’un responsable d’entreprise d’insertion en confiant à Martin Hirsch le soin d’organiser un Grenelle de l’insertion, comme celui de l’environnement. Le Chef de l’Etat avait alors affiché son intention de "mettre le paquet" pour "bousculer" le modèle social, affirmant notamment refuser une "politique d’assistanat généralisé". » (source AFP) "Je ne suis pas d’accord pour acheter la bonne conscience de la société à coup d’allocations", avait lancé Nicolas Sarkozy à Dijon, qui avait précédemment estimé qu’il "ne devrait pas y avoir de minima sociaux sans contrepartie d’une activité minimum".

« Premières contributions, premières confrontations », ce lancement du Grenelle de l’insertion à Grenoble constitue « les rencontres de l’expérimentation sociale » (voir le programme des 2 journées de Grenoble) et réunit de nombreux chercheurs, élus, syndicalistes, acteurs des collectivités locales, d’associations et d’entreprises.

En décembre 2007, trois groupes de travail seront mis en place pour débattre sur les objectifs de la politique d’insertion et sa gouvernance, sur les parcours d’insertion et sur le rôle des employeurs. Au mois de mai 2008, les propositions du Grenelle seront rendues publiques

La méthode de Nicolas Sarkozy, c’est le Grenelle, si possible à fond les manettes, celle de Martin Hirsch, c’est l’expérimentation sociale ; les deux méthodes sont-elles compatibles ?

Les pistes de réflexions sont déjà tracées. La première d’entre elles est le RSA (Revenu de solidarité active), déjà expérimenté. La deuxième est de substituer le maquis de l’ensemble des contrats aidés (contrat initiative emploi, contrat d’accès à l’emploi, contrat d’avenir notamment) par la mise en place d’un "contrat unique d’insertion" fusionnant tous les contrats existants, et valable dans le public comme le privé. Sans doute aurons-nous l’occasion d’y revenir ; espérons que ce Contrat unique d’insertion (Cui, pas très heureux comme dénomination) permettra un salutaire coup de pied dans la fourmilière et ne sera pas une couche supplémentaire au mille-feuilles.

Ce Grenelle de l’insertion s’inscrit dans un contexte difficile : la pauvreté croît depuis 2000, les classes moyennes s’appauvrissent, les pauvres rencontre la misère, les misérables luttent pour survivre… Le gouvernement table sur ces réformes pour diminuer d’un tiers en cinq ans le nombre de pauvres : ils étaient 7,1 millions en 2005 à vivre avec moins de 817 euros par mois. Les acteurs du secteur social s’interrogent quant à eux sur le risque des mesures gouvernementales "d’une solidarité à deux vitesses à l’égard des pauvres", avec la mise à l’écart de ceux qui ne sont pas en capacité de travailler.

Pour notre part, nous craignons que ce nouveau Grenelle, soi-disant de l’insertion, ne fasse l’impasse sur la toute première question, pourtant indispensable : c’est quoi, au juste l’insertion ? (ou l’inclusion, opposée à l’exclusion ?). Il semblerait que seuls quelques (rares) bénéficiaires du RMI et une poignée de travailleurs sociaux (poignée grossissante néanmoins) se posent cette fondamentale question.

D’après la définition officielle de l’Unesco, l’insertion se serait l’"Action visant à faire évoluer un individu isolé ou marginal vers une situation caractérisée par des échanges satisfaisants avec son environnement. Résultat de cette action, qui s’évalue par la nature et la densité des échanges entre un individu et son environnement ". Donc, être inséré ce serait avoir des échanges satisfaisants avec l’environnement. OK : des échanges (satisfaisants ou non), cela suppose bien une interaction, non ? C’est bien de la qualité des échanges que dépendra la qualité de l’"insertion" ?

Or, le fond du problème, c’est que l’insertion, actuellement, c’est toujours une action sur l’individu, jamais une action sur l’environnement. Autrement dit, l’environnement ne changera pas, il est inconcevable de le remettre en cause, c’est à nous de changer.

Et c’est bien là que le bât blesse.

Martin Hirsch et son Grenelle de l’insertion sauront-ils mettre en lumière cette première question ? Ou ce nouveau Grenelle ne sera-t-il qu’une mascarade, un gadget présidentiel et un terrible gâchis supplémentaire ?

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