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En 1992, les États membres de l’Union Européenne, qui étaient alors douze, avaient décidé d’instaurer des taux minimaux d’accises (de taxes) sur les bières, les spiritueux et autres boissons alcoolisées, à l’exception des vins. Leur objectif était de réduire les distorsions importantes alors constatées d’un pays à l’autre.
Le dispositif avait pris la forme de montants fixes. Le 8 septembre 2006 la Commission européenne a adopté une proposition de directive pour modifier cette Directive 92/84/CEE afin de prendre en compte l’effet de l’inflation, estimé à 31% entre 1993 et 2006.
Les taxes demeurant variables d’un pays à l’autre, le relèvement envisagé représentait l’obligation d’une augmentation pour 9 des 25 pays de l’Union [1] (les 16 autres pratiquant déjà des montants de taxe supérieurs).
Mais en avril dernier, Astrid Lulling, la députée luxembourgeoise PPE (droite) et rapporteuse pour la commission des Affaires économiques et monétaires du Parlement Européen, proposait l’abandon de ces accises, une position adoptée, au sein de cette commission, par 19 voix pour, 15 contre et 2 abstentions.
Dans son rapport, elle montrait que la Directive 92/84/CEE n’avait pas abouti au rapprochement des taux d’accises, bien au contraire. Ainsi, indiquait-elle, « l’accise pour un litre de bière à 5% vol. est de 0,09€ en République tchèque et à Malte et de 1,43€ en Finlande. Pour 70cl de vin tranquille à 15% vol. max. il faut payer 0,02€ en France et 1,91€ en Irlande. Pour 70cl de vin mousseux à 15% vol. max. l’accise est de 0,06€ en France et de 3,82€ en Irlande. Pour 70cl d’un produit intermédiaire à 22% vol. max. il faut payer 0,31€ en Grèce et 4,94€ en Finlande. Enfin pour 70cl de spiritueux à 40% vol. Chypre taxe 1,68€ et la Suède 15,41€. »
Astrid Lulling argumentait que les différents pays avaient sûrement d’excellentes raisons d’agir comme ils le faisaient ; que, de toutes façons ces accises représentaient des recettes bien moindres que celles sur le tabac ou les produits pétroliers ; que le coût de la collecte de ces taxes égale parfois à peine leur produit.
Elle concluait ainsi son rapport : « Les choses étant ce qu’elles sont, les taux minimaux d’accises sur l’alcool et les boissons alcoolisées ont perdu leur raison d’être. On peut donc les abolir, ce qui n’empêchera pas les Etats membres de maintenir les taux actuels ou même de les augmenter sous leur propre responsabilité. »
Alain Lipietz, député Vert européen, avait dénoncé cette opération de « détricotage libéral de l’Europe politique », estimant qu’un manque de coordination des taux d’accises « nuit au fonctionnement du marché intérieur, incite à la contrebande, et nuit gravement aux objectifs de santé publique, sans compter qu’il érode les revenus des Etats membres. »
Dans son blog du 26/05/07 Alain Lipietz explique comment la proposition de Mme Lulling vient d’être mise en échec, momentanément du moins.
A l’évidence, il n’y a pas eu de grand débat sur le fond. C’est par un jeu d’amendements ponctuels, déposés par des députés de gauche et des écologistes et votés au gré des intérêts ou des convictions des uns et des autres, que le texte s’est trouvé dénaturé au point que, finalement, Mme Lulling a appelé à voter contre son propre rapport, et que celui-ci s’est trouvé rejeté à une très large majorité !
[1] Lettonie, Malte, la République Tchèque, l’Allemagne, le Luxembourg, la Lituanie, l’Espagne, la Roumanie et la Bulgarie.