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Un pré-verger, c’est la valorisation d’une parcelle de terre par la coexistence de pâturage et d’arbres fruitiers à haute tige, donc d’élevage et d’arboriculture. Au début du XXème siècle, un million d’hectares étaient consacrés en France à ce mode d’agriculture ; il n’en demeure plus aujourd’hui qu’à peine 160 000 hectares. Ce rapport harmonieux à la nature a progressivement disparu au profit des cultures intensives et de la recherche de la productivité.
« La mécanisation, l’uniformisation des productions et les primes à l’abattage des hautes tiges accordées par l’UE à la fin des années 1960 sont à l’origine d’une réorganisation des paysages ruraux : des vergers basse tige sur le mode intensif (jusqu’à 3 000 arbres à l’hectare) remplacent des vergers haute tige (généralement moins de 100 arbres à l’hectare) ». (source : un article du n°9 de l’Age de Faire, dont nous nous inspirons, en partie)
Il est vrai que les prés-vergers ne s’inscrivent pas dans la logique dominante de la production agricole. Ils s’inscrivent dans une dynamique de long terme, et permettent de développer une économie régionale, durable et diversifiée : un biotope de grande valeur respectueux des écosystèmes, une économie locale qui participe à la création de lien social, favorise l’emploi local et entretient les paysages ruraux. Ils permettent également la sauvegarde des différentes variétés de fruits.
Les agriculteurs qui se lancent actuellement dans ce type de production ne sont guère aidés ; le système de primes de la PAC oblige les producteurs à choisir entre le métier d’éleveur et celui d’agriculteur et la conjugaison des aides "à l’herbe" et des aides à l’arboriculture n’est pas d’actualité.
C’est pourquoi, un peu partout en France, des associations de sauvegarde et de promotion des prés-vergers ont fleuri. Ainsi, notamment, "l’Association nationale des amateurs bénévoles pour la sauvegarde des variétés fruitières régionales en voie de disparition", plus connue sous le nom de ’Croqueurs de Pommes’.
Dans une démarche d’avenir, les Croqueurs de pommes entendent préserver la richesse de notre patrimoine fruitier. « On estime qu’il existe entre 3 000 et 5 000 espèces de pommes et 2 000 espèces de poires en France. Or, par souci de rentabilité, on n’en commercialise plus à grande échelle que quelques dizaines, et pas forcément les meilleures. Qui connaît encore la saveur de la poire morvandaise Ploteau ou de la pomme de L’Estre ? ». Depuis plusieurs années déjà, l’association échange ses connaissances avec l’INRA. Ainsi scientifiques et amateurs associent leur travail pour une préservation durable de nos richesses.
A titre d’exemple, citons l’expérience du groupe alsacien de Ribeauvillé qui a récupéré des parcelles situées au sommet des coteaux viticoles, en lisière de forêt. Il y entretient ou y replante toutes sortes d’espèces anciennes de différents fruitiers ; il n’y a pas d’activité d’élevage, juste quelques moutons pourraient-ils assurer l’entretien de la prairie ; ces parcelles ainsi valorisées (comme cela était le cas par le passé) vont, non seulement permettre la production des meilleurs fruits qui soient, mais également assurer un espace tampon entre les vignobles et la forêt, et ainsi (c’est prouvé) faciliter l’entretien de la vigne et la protéger de parasites.
Le mouvement compte plus d’une cinquantaines de groupes locaux [1] disséminés un peu partout en France, très actifs dans certaines régions, absents dans d’autres ; ainsi, étonnamment, il n’y a pas de croqueurs de pommes en Bretagne, terre de bocage et d’élevage où la tradition du cidre est pourtant forte.
Allez, en cette journée électorale de tous les dangers, nous souhaitons longue vie aux croqueurs de pommes ! Puisse le résultat qui sortira tout à l’heure des urnes faire qu’auprès de nos arbres nous vivions heureux.
[1] On trouvera la liste des différentes sections locales des croqueurs de pommes sur leur site.