![]() |
Le Canard enchaîné du 15 novembre publie en première page un article intitulé "La trahison des nourrissons" dans lequel il révèle que les brillants statisticiens de l’INSEE reconnaissent s’être mis le doigt dans l’œil lorsqu’ils affirmaient depuis 2001 que, à dater de 2007, la population active allait baisser en France. Cette révélation n’est pas anodine ; elle induit une remise à plat globale des politiques d’emploi, de retraite et de protections sociales.
Extraits du Canard :
« L’INSEE est une maison sérieuse (...). Ses chiffres et ses prévisions servent aux assureurs (...) aux gestionnaires de la Sécu, qui les utilisent afin de calculer les dépenses et les déficits futurs. Et itou pour les caisses de retraite. (...) Depuis plus de 5 ans, les experts de l’INSEE l’assuraient : à partir de 2007, la population active allait baisser en France. Avec les conséquences afférentes sur le futur niveau des retraites, des dépenses maladie...etc. Cette prévision, qui date de 2001, se fondait sur les résultats du dernier recensement national, réalisé en 2000. (...) Or les études réalisées en 2004 et 2005 les ont pris à contre-pied. D’après les nouvelles projections des experts de l’INSEE, la population active ne baissera pas à partir de 2007, mais va augmenter de 4 millions d’ici à 2015. Une erreur de 4 millions, excusez du peu. »
Hou lala ! L’information est sérieuse ! Et, à l’horizon 2015, le nombre actuel de chômeurs risquerait d’avoir doublé [1] !
En fait, il semblerait que le Canard enchaîné se soit quelque peu emporté.
Si l’INSEE reconnaît bien avoir revu ses prévisions de 2001 à la hausse (source Insee juillet 2006), les chiffres ne sont pas ceux cités par le Canard. Le détail des données chiffrées de L’INSEE indique une augmentation tendancielle de la population active entre 2007 et 2015, mais seulement de l’ordre de 400 000 personnes (et non de 4 millions !).
En 2006, la population active serait de 27 814 000 et, d’après les nouvelles prévisions, de 28 311 000 en 2015. Ensuite, la tendance serait à une légère diminution jusque dans les années 2030, pour recommencer à légèrement augmenter jusqu’en 2050 (28 531 000 en 2050). Mais, d’ici là, on a le temps de voir venir (et les statisticiens de s’être trompé). [2]
Reste que l’idée, dont hommes politiques et chroniqueurs ne cessaient de nous rabattre les oreilles, selon laquelle le chômage ne pouvait dorénavant que baisser en France pour cause de déclin démographique de la population active, est très sérieusement battue en brèche.
Le papy-boom ne viendra pas à notre secours. Il n’y aura pas de "solution démographique" au chômage ; il faut la chercher ailleurs.
[1] les chiffres officiels du chômage ne trompent désormais plus personne et tout le monde s’accorde à considérer qu’il y a actuellement, au bas mot, 4 millions de sans emploi en France. Rappelons que la ’population active’ comprend les demandeurs d’emploi ; si la population active croît sans qu’il y ait création d’emploi, c’est le nombre de chômeurs qui augmente. Inversement, si la population active décroît, même sans création d’emploi, le chômage va baisser.
[2] Une autre conséquence de l’infléchissement des prévisions de l’INSEE concerne, bien sûr, les retraites : si le vieillissement de la population française reste inéluctable, il sera moins rapide que prévu initialement et les prévisions du rapport actifs/inactifs s’en trouvent modifiées.