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L’INSEE (Institut National de la Statistique et des Études Économiques) a publié l’edition 2006 de son portrait social de la France.
Elle comporte une intéressante étude intitulée Les inégalités de réussite à l’école élémentaire : construction et évolution (.pdf de 219 Ko) de Jean-Paul Caille et Fabienne Rosenwald.
Les auteurs indiquent d’abord que l’école élémentaire a connu une évolution importante avec la diminution considérable des redoublements. « En vingt ans, la proportion d’écoliers qui redoublent une fois à l’école élémentaire a été divisée par deux, » expliquent-ils. Seuls 66 % des élèves entrés en primaire en 1978 ont atteint la sixième sans retard. Les écoliers entrés au cours préparatoire en 1997 y sont eux parvenus à 83 %.
« La baisse des redoublements est particulièrement sensible au cours préparatoire, répété par seulement 6 % des élèves du panel 1997 contre 13 % de ceux du panel 1978, » précisent les chercheurs.
Faut-il déplorer cette évolution ? Probablement pas. L’étude souligne d’ailleurs que la plupart des redoublements ne permettent pas de résoudre durablement les difficultés. Les auteurs ont ainsi calculé que seulement 15 % des élèves du panel 1997 ayant redoublé le CP ou le CE1 atteignent la médiane en mathématiques à l’évaluation de sixième.
La baisse du nombre des redoublements est-elle signe d’une réussite plus généralisée, alors ? Non plus, hélas.
Si 65 % d’enfants de cadres, d’enseignants et de chefs d’entreprise arrivent au bout du cycle sans embûches (pas de redoublement en primaire et résultats supérieurs à la médiane aux évaluations de début de sixième), seuls 24 % d’enfants d’ouvriers et d’inactifs parviennent au même résultat.
Jean-Paul Caille et Fabienne Rosenwald ont cherché à comprendre où se jouait cette différenciation.
Ils ont mis en évidence le fait qu’une part était déjà établie avant même le CP (Cours Préparatoire, première année de l’enseignement obligatoire). « Un élève qui faisait partie des 10 % d’écoliers les plus faibles à l’entrée au CP a seulement une chance sur deux d’arriver à l’heure ou en avance au CE2 et une chance sur trois d’atteindre dans les mêmes conditions la sixième. En revanche, la presque totalité des écoliers entrés au CP avec un niveau d’acquis les classant parmi les 40 % de meilleurs élèves parviennent en sixième sans redoublement, » ont-ils calculé.
Loin de remédier à cette inégalité de départ, l’école primaire la conforte : sur les 41 points qui séparent les deux groupes cités plus haut (65 % et 24 %), les chercheurs ont calculé que 21 points (51 %) s’expliquent par les différences de compétences à l’entrée en CP, 7 points (16 %) reflètent des disparités apparues entre le cours préparatoire et l’entrée au CE2 et 14 points (33 %) résultent de différences qui se sont manifestées entre le CE2 et l’entrée en sixième. « Ainsi, la moitié des disparités sociales est déjà constituée avant l’entrée à l’école élémentaire et, chaque année, les écarts de réussite entre enfants de cadres et enfants d’ouvriers se creusent de près de 10 %, » concluent-ils.
Dans un encadré, les auteurs ont aussi noté que les filles , qui réussissent globalement un peu mieux que les garçons en primaire [1], présentaient des profils de compétences assez contrastés en français et en mathématiques : « à caractéristiques démographiques et familiales comparables, elles réussissent 5 items de plus que les garçons aux épreuves de français de l’évaluation nationale de sixième mais 4 de moins en mathématiques, » notent-ils, voyant là le résultat d’une « intériorisation des stéréotypes sociaux. » Une intériorisation partagée par les enseignants eux-mêmes, estiment les auteurs qui rappellent des travaux qui ont établi que « une même copie de sciences physiques, attribuée fictivement à un garçon ou à une fille, est notée plus favorablement dans le premier cas que dans le second. »
[1] 85 % des filles parviennent en sixième sans avoir redoublé contre 81 % des garçons.