Des dictatures au Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU

mercredi 10 mai 2006.par Gilles Pradeau
 
Le Pakistan, la Russie et l’Arabie Saoudite sans parler de la Chine ou Cuba, font partie des 44 nouveaux élus mardi 9 mai au Conseil des Droits de l’Homme (CDH)

Chassez le naturel et il revient au galop ! Malgré la tentative de changer les régles relatives aux droits humains à l’ONU (création du Conseil des Droits Humains après le discrédit de la Commission des Droits de l’Homme), le paysage des pays élus ne change guère. La Libye, le Zimbabwe, le Soudan, mais aussi le Pakistan, la Russie et l’Arabie Saoudite sans parler de la Chine ou Cuba, font partie des 44 heureux élus mardi 9 mai au Conseil des Droits de l’Homme, ce qui a tout de suite donné lieu à de vives critiques, notamment des Etats-Unis.

Evidemment, après une telle élection, le doute est jeté dans la foulée sur la capacité du CDH « chargé de promouvoir le respect universel et la défense de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales, pour tous, sans aucune sorte de distinction et en toute justice et équité ». Défendre et promouvoir des droits alors même que certains des membres font partie des premiers visés habituellement par les ONG, voilà qui relève d’une difficulté vraiment peu originale depuis le temps. Pour être élu, il fallait pourtant que chaque pays candidat recueille au moins 96 voix (bulletin secret).

« L’élection du nouveau Conseil offre une occasion en or de prendre un nouveau départ, en plaçant les droits humains au cœur du Conseil - exactement là où ils doivent être, a souligné Martin Macpherson d’Amnesty International. Le nouveau Conseil vaudra ce que valent ses membres. Il sera vain pour les États de critiquer le Conseil s’ils n’élisent pas les candidats ayant démontré leur engagement à promouvoir et à protéger sérieusement et objectivement les droits humains sur leur territoire et dans le reste du monde. »

En même temps, les règlements du CDH sont plus stricts que ceux de l’ancienne Commission : chaque membre ne peut effectuer que deux mandats consécutifs de 3 ans et durant son mandat, il doit faire l’objet d’un examen par le CDH du respect de ses engagements. De plus, l’Assemblée Générale de l’ONU pourra suspendre le mandat d’un membre en cas d’abus notoire, avec un vote à la majorité des deux tiers des membres présents et votants de l’Assemblée.

"La bonne nouvelle est que certains des gouvernements les moins méritants n’ont pas été élus et que l’Iran et le Venezuela ont échoué dans leur tentative", a déclaré après le vote Kenneth Roth, directeur de l’organisation Human Rights Watch. L’Iran et le Venezuela en effet étaient candidats dans leur groupe respectif mais n’ont pas été élus.

"C’est un pas dans la bonne direction", a-t-il remarqué, en déplorant aussi la présence de "certains gouvernements comme la Chine, la Russie, l’Arabie saoudite et Cuba". "Mais c’était presque inévitable et ils ne sont qu’une minorité réduite", a-t-il ajouté.

Cuba s’est empressé de qualifier son élection (135 voix sur 191) de "victoire éclatante" témoignant ainsi de son "prestige international".

Le président de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme Mokhtar Trifi s’ est indigné à la mi-juin dans un entretien dans le journal belge Le Soir de la nomination de son pays à ce Conseil. "Quand j’ai vu les noms d’une série de pays inclus dans le nouveau Conseil des droits de l’Homme, je n’ai pas manqué d’être déçu, pour la bonne raison que ces Etats, dont la Tunisie, ne respectent tout simplement pas eux-mêmes les droits humains." Il s’est interrogé sur ce qui avait motivé le vote des pays, car "si vous prenez la Tunisie, ce pays refuse d’accepter les visites de plusieurs rapporteurs spéciaux de l’Onu, comme dans le domaine de la torture, de la justice et autres, malgré des demandes répétées. Voilà un comportement formellement prohibé dans les statuts du Conseil... Alors comment comprendre l’inclusion de la Tunisie ?".


Pour le groupe Afrique, les pays élus sont : l’Algérie, le Cameroun, Djibouti, le Gabon, le Ghana, le Mali, Maurice, le Maroc, le Nigeria, le Sénégal, l’Afrique du Sud, la Tunisie et la Zambie.

Pour l’Asie : le Bangladesh, Bahreïn, la Chine, l’Inde, l’Indonésie, le Japon, la Jordanie, la Malaisie, le Pakistan, les Philippines, la Corée du Sud, l’Arabie saoudite et le Sri Lanka.

Pour l’Amérique latine : l’Argentine, le Brésil, Cuba, l’Equateur, le Guatemala, le Mexique, le Pérou et l’Uruguay.

Pour le groupe « Europe occidentale et autres Etats » : la Grande-Bretagne, le Canada, la Finlande, la France, l’Allemagne, les Pays-Bas et la Suisse.

Pour l’Europe de l’Est : la République tchèque, la Pologne, la Russie, l’Ukraine et l’Azerbaïdjan et la Roumanie.

64 Etats Membres étaient candidats. Parmi les candidats qui n’ont pas été élus figuraient : le Kenya, l’Iran, l’Iraq, le Kirghizistan, le Liban, la Thaïlande, le Nicaragua, le Pérou, le Venezuela, la Grèce, le Portugal, l’Albanie, l’Arménie, la Géorgie, la Lettonie.

Pour en savoir plus :

Sur Citron-vert.info, le dossier sur l’ONU avec :
- Casques verts, casques blancs à l’ONU ?
- La réforme du Conseil des Droits de l’Homme
- Conseil des Droits de l’Homme : séparer le constat des actions
- ONU : Comment améliorer le maintien de la paix ?

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