Le défi de l’eau

samedi 18 mars 2006.par Philippe Ladame
 
Que tous accèdent à l’eau : l’objectif est partagé, mais les vues divergent sur la manière.

Plus de 1,2 milliard de personnes n’ont pas d’accès à l’eau potable ; 2,5 milliards ne bénéficient d’aucun réseau d’évacuation. En 2004, selon les statistiques de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les maladies liées à l’eau ont été responsables de la mort de 3.900 personnes par jour.

C’est donc l’un des Objectifs du Millénaire pour le développement portés par les Nations unies que de fournir une eau saine et potable à 500 millions de personnes supplémentaires. Et le Conseil mondial de l’eau (CME), organisateur du quatrième Forum mondial de l’eau qui s’est ouvert jeudi 16 mars à Mexico, estime indispensable d’augmenter les investissements dans ce secteur. « Aujourd’hui, 5% seulement de l’aide publique est allouée à l’eau. C’est de la charité, » s’exclame Loïc Fauchon, son président.

Mais comment faire ?
« L’espoir que nous avions dans les années 1990 - que l’argent privé contribuerait vraiment à la réalisation des Objectifs du Millénaire - est devenu à l’évidence irréaliste en raison de l’opposition à la participation du secteur privé, » explique Daniel Zimmer, directeur exécutif du CME.

Une observation que confirme Maude Barlow, essayiste canadienne auteur de L’Or bleu, qui dénonce les effets de la privatisation des réseaux publics de distribution de l’eau, et souligne que l’opposition des opinions à cette privatisation d’une ressource commune se renforce.

Face à cette résistance, le CME prône désormais les partenariats public-privé. « Il nous faut donc inventer de nouveaux partenariats. Sans services publics forts, nous ne pourrons pas avoir de partenariats forts avec le secteur privé, » estime Daniel Zimmer qui ajoute « il faut surtout que l’eau soit gérée au niveau local, et non pas au niveau des gouvernements centraux. C’est la seule façon d’éradiquer la corruption, d’impliquer les populations au plus près des projets hydriques. »

Mais ce discours nouveau laisse certains sceptiques. « Il faut savoir que le CME regroupe d’ex-directeurs de Suez, Vivendi, Danone, Pepsi, Coca ou Nestlé, s’indigne Adrian Ortega, chercheur au centre de géo-sciences de l’Université nationale de Mexico. Son but n’est pas d’améliorer la qualité des eaux superficielles ou souterraines, mais de faire du profit en vendant les différents services liés à ce produit. » (source).

L’avenir est-il à la gestion privée, partenariale ou publique de l’eau ? Difficile à dire. Ce qui est sûr c’est que le présent est à une sorte de « privation rampante » : sans attirer l’attention, l’eau en bouteille voit ses bénéfices grimper, notamment dans le tiers-monde. « Le Mexique, où 40% des 103 millions d’habitants vivent dans la pauvreté, illustre parfaitement le phénomène. Le pays est le deuxième consommateur d’eau en bouteille du monde, juste derrière les Etats-Unis en volume et l’Italie en consommation par habitant. En Chine, les ventes ont augmenté de plus de 250% entre 1999 et 2004 ; elles ont triplé en Inde et presque doublé en Indonésie, selon une étude de l’institut. Dans le monde, l’industrie récolte environ 83,5 milliards d’euros par an. » (source).

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