Le soja s’étend, la vie s’éteint

mercredi 1er mars 2006.par Philippe Ladame
 
Plusieurs associations lancent une campagne intitulée "Le soja contre la vie".

C’est par une conférence de presse dans les locaux du CCFD que la campagne Soja contre la vie a été lancée le 23 février 2006.

Deuxième action de cette campagne, le 28 février, se tenait à Lorient une conférence - débat qui rassemblait plusieurs centaines de personnes. Le CCFD, la Confédération Paysanne, le GRET, le Réseau Agriculture Durable et Cohérence et le CRISLA avaient invité un Brésilien [1] et une Argentine [2] représentant l’un et l’autre des organisations paysannes d’Amérique latine.

Au cours de cette soirée passionnante, les intervenants ont expliqué l’engrenage qui avait abouti à la situation actuelle.

- Légumineuse d’origine chinoise, domestiquée en Asie depuis 5.000 ans, le soja présente des qualités nutritionnelles exceptionnelles : il contient 20 % d’huile et surtout 40 % de protéines, un taux inégalé dans le monde des graines.
- Au cours de la deuxième moitié du 20ème siècle, le soja devient l’essentiel de l’alimentation ... des animaux d’élevage.
- Les États-Unis adoptent une politique « pro-soja » très déterminée et l’Europe, région d’élevage intensif, se met à importer massivement le soja américain.
- A la recherche de terres et de coût d’exploitation plus bas, les mutinationales agro-alimentaires s’implantent en Amérique du Sud.
- Au Brésil, en Argentine, en Bolivie ou au Paraguay, les surfaces consacrées au soja explosent, au détriment des petites exploitations traditionnelles qui produisent l’alimentation de ces pays, ainsi qu’au détriment des forêts.

Résultat, dans ces pays les droits de l’homme et l’environnement sont massivement sacrifiés et les surfaces consacrées aux cultures vivrières diminuent.

« Entre la déforestation, l’utilisation massive de produits chimiques et l’exode rural des paysans, le soja est devenu un vrai fléau pour le Chaco comme pour le reste de l’Argentine et les pays voisins. Un fléau auquel nous devons nous opposer par tous les moyens, » explique un Argentin de l’ONG Incupo.

C’est aussi l’appel lancé à Lorient par les représentants des paysans argentins et brésiliens qui nous invitent à rompre avec ce modèle agro-alimentaire. Réduire ici la part de viande dans la consommation, développer le recours aux alternatives locales au soja (colza, lupin, févrolle, etc.), faire pression pour que cessent les encouragements des institutions financières internationales aux grandes exploitations et aux infrastructures d’exportation, mettre en oeuvre des politiques de commerce agricole qui reconnaissent le droit à la souveraineté alimentaire, et donc à la protection des productions vitales, telles sont les pistes qu’ils nous demandent d’emprunter.

Dans le cadre de cette campagne, il est possible de se procurer, auprès des organisations participantes, des cartes "Le soja contre la vie" à envoyer à M. Thierry Breton, ministre de l’Economie et à M. Robert-Louis Dreyfus, président directeur général d’une multinationale d’origine française, un des intervenants majeurs du négoce du soja.

[1] Isodoro Revers, de la Commission pastorale brésilienne de la terre : « Quand le soja arrive en Europe, il amène avec lui de graves problèmes économiques et sociaux. Dans l’état du Para, au nord du Brésil, on estime à 10 000 le nombre de travailleurs esclaves. De plus, l’agriculture moderne appliquée dans le pays ne profite pas à l’économie brésilienne mais à des multinationales. »

[2] Veronica Maldonado, du Mocase, un mouvement argentin de paysans et de pêcheurs : « Aujourd’hui, le soja représente 57 % de la production agricole totale du pays, alors qu’en 1980, il n’en représentait que 10 %. La souveraineté alimentaire du pays est maintenant remise en question car l’Argentine importe ce qu’elle produisait elle-même auparavant. »

IMPRIMER


Dernières brèves