Une affaire coton

vendredi 17 février 2006.par Alain Richard
 
Et si l’introduction des OGM en France et en Europe se jouait en partie en Afrique ?

Le Forum Social Mondial de Bamako, en janvier, « a mis en lumière la division des mouvements paysans africains sur la question [des OGM]. La lutte sourde que se livrent des organisations malienne et burkinabé à propos des OGM du coton en a été le symptôme le plus perceptible. » indique un article du Monde du 13 février.

Ainsi, le Burkina Faso et le Mali [1]. se distinguent par des politiques antagonistes : « D’un côté, le Burkina Faso a rejoint l’Afrique du Sud et l’Egypte dans le club restreint des Etats africains ouverts à ces techniques : il expérimente avec les firmes américaine Monsanto et suisse Syngenta la modification génétique des variétés de coton nationales pour une commercialisation en 2008. De l’autre, le Mali a, sous la pression des organisations agricoles, stoppé l’élaboration de la loi qui aurait permis les expérimentations. »

Pourtant, il y a seulement quelques mois, le 31 octobre, le journal gouvernemental malien l’Essor ne cachait pas son engouement pour les expérimentations transgéniques du coton « Les résultats sont prometteurs et le Burkina Faso est parti pour être la vitrine de la biotechnologie agricole dans la sous-région ».

Ainsi, comme l’explique l’AREA-ED (association algérienne pour l’environnement et le développement) : « L’initiation d’un débat public sur la problématique des OGM [au Mali] a été l’oeuvre de la société civile, en particulier les organisations paysannes et non une volonté des autorités publiques qui comme d’habitude souhaitaient faire avaler cette nouvelle couleuvre que sont les OGM à la population malienne sans l’informer vraiment. C’est ainsi que lors de leur réunion annuelle avec le chef de l’Etat les organisations paysannes du Mali ont abordé le sujet et affirmé leur refus de toute semence transgénique brevetée. Le débat continue et ce sont les parlementaires qui aujourd’hui sont sur la sellette car il clair que le gouvernement ne tardera pas à poser sur la table du Parlement un projet de loi sur l’introduction des OGM au Mali. »

C’est également ce que dit la BBC sur le sujet dans une enquête de décembre 2005, qui conclut : « certains membres de la Coalition nationale pour la protection du patrimoine génétique malien reconnaissent que leur combat ressemble à celui de David contre Goliath, et qu’ils ont peu de chances de l’emporter. »

Ces observateurs s’accordent pour dire que les enjeux actuels de l’introduction du coton OGM au Mali et dans la sous-région, pour les Etats-Unis et ses multinationales, débordent largement le cadre du continent africain. « Le Mali est une sorte de porte qu’il leur faut ouvrir pour pouvoir atteindre certains pays européens - des pays où l’introduction éventuelle de cultures transgéniques suscite encore une forte opposition. » dit la BBC. « S’ils parviennent à faire tomber les pays africains pauvres et augmenter le nombre de pays qui cultivent les OGM, l’Europe pourra difficilement justifier le maintien des mesures restrictives, car il est clair que les USA ne manqueront pas d’user d’un tel argument à l’OMC. » affirme l’AREA-ED.

Alors que le débat sur les cultures OGM bat son plein en France, la question de savoir à quelle sauce nous serons mangés trouvera une partie de réponse sur le pavé de nos villes ; l’autre partie se situe peut-être aux abords du fleuve Niger.

[1] Ces deux pays sont parmi les plus grands producteurs de coton en Afrique (entre 45 et 70 % des recettes d’exportation de ces pays provient uniquement du coton)

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