Peste moderne

jeudi 13 octobre 2005.par Philippe Ladame
 
L’explosion du nombre de substances chimiques produites et diffusées impose une politique bien plus rigoureuse.

C’est le point de vue André Cicolella, chercheur en santé environnementale et responsable de la commission santé des Verts, qui a publié un article à ce sujet dans Le Monde du 13/10/05.

Il rappelle comment, en 1719, l’insuffisance des mesures de précaution, sous la pression mercantile, a abouti au déclenchement d’une épidémie de peste qui durera deux ans et verra mourir des centaines de milliers de personnes.

Pour lui « la bataille autour du projet de règlement européen Reach rappelle cette histoire tragique » [1].

« Il y a sept ans, le Conseil européen décidait de réformer les réglementations en vigueur sur la commercialisation des substances chimiques. Trois ans plus tard, un Livre blanc était publié. Il proposait un changement de logique dans la gestion du risque chimique dont le principe était "pas de données, pas de marché", une rupture par rapport à des décennies de procédé rigoureusement inverse. »

Pour le chercheur, qui rappelle que le volume de substances chimiques est passé, au niveau mondial, de 1 million de tonnes dans les années 1930 à 400 millions de tonnes aujourd’hui, cette rupture est indispensable. En effet, une telle explosion nécessite, à ses yeux, une évaluation et un contrôle drastiques. Or « pour 97 % des substances, les données sont soit incomplètes soit inexistantes. »

André Cicolella admet que d’autres facteurs de risque que les substances chimiques sont aussi en cause (alimentation, tabagisme...) dans l’augmentation considérable des cancers (+ 63% en vingt ans en France) et des atteintes de la reproduction (un couple sur sept est aujourd’hui infertile), « mais avec l’évaluation des substances chimiques, on sait que l’on peut tarir à coup sûr une partie de la source de ces maladies chroniques, » estime-t-il.

C’est pourquoi il s’inquiète des manoeuvres déployées pour réduire la portée de Reach, et particulièrement de la position du vice-président de la Commission européenne, responsable des entreprises et de l’industrie, Günter Verheugen, qui vient de proposer, dans une nouvelle version de la directive, de renoncer au principe "pas de données, pas de marché" et de renvoyer la charge de la preuve de la nocivité sur les gouvernements.

Il souhaite que « la pression des citoyens européens se manifeste de façon suffisamment forte pour que le point de vue de la santé l’emporte. »

[1] L’enjeu de Reach, acronyme de Registration Evaluation Authorization of Chemicals, est l’évaluation des risques des substances chimiques.

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