Pétrole : hausses, quelles hausses ?

samedi 17 septembre 2005.par Philippe Ladame
 
La hausse du prix du pétrole est plutôt une bonne nouvelle pour les écologistes qui y voient leur message renforcé.

Quand le pétrole passe un cap symbolique, comme les 70 dollars il y a peu, on en parle et on prend tout une série d’excellentes résolutions (rouler moins vite, développer les biocarburants, construire mieux, etc.).

Et, dans ces périodes-là, les écologistes ont un peu moins de mal à fait entendre leurs solutions : développer le rail, réduire les distances en produisant et distribuant local, travailler moins pour vivre mieux. Et, de fait, certains comme Yves Cochet, député Vert, font de cette hausse inéluctable l’élément essentiel de leur argumentation (voir le site d’Yves Cochet).

L’efficacité de l’argument dépendra, bien sûr, de l’ampleur de la hausse et de l’acuité de sa perception.

Sur ce deuxième point, Thierry Breton, ministre des Finances, entend visiblement essayer d’atténuer la douloureuse. Libération du 17/09/05 rapporte comment, en menaçant les compagnies pétrolières d’une taxe-sanction en cas de non-automodération du prix des carburants, il a obtenu d’elles (du moins de la plus importante, Total [1]) que les baisses de prix éventuelles soit « répercutées immédiatement » et que « en cas de hausses brutales de prix, elles soient étalées sur une période de quelques semaines ».

La réalité de la hausse est, quant à elle, avérée. Et Thierry Desmaret, patron de Total, qui annonçait que le baril redescendrait vers 30 dollars (notre brève) s’est clairement trompé.

Cependant, après un pic à 70 dollars et malgré les difficultés des producteurs dans le Golfe du Mexique, le baril est redescendu aujourd’hui vers les 65 dollars. Des décisions comme celle de Total d’investir 2,8 milliards d’euros dans le raffinage en France pour produire 4 millions de tonnes de gasoil supplémentaires d’ici à 2010 [2] pourraient contribuer à contenir la hausse.

Par ailleurs, si cette hausse est indéniable quand on observe les "prix affichés" (si l’on peut dire) à un moment donné, en monnaie constante et en part de budget, l’évolution en moins impressionnante.

Si le "prix" du baril a fortement augmenté au cours des 25 dernières années, c’est aussi que le dollar s’est nettement déprécié dans cette période. « A dollars constant, le prix du baril actuel est encore largement inférieur à celui du 2e choc pétrolier (1979). Il atteignait entre 80 et 100$ actuels » peut-on lire sur L’AutreMonde.

De même, l’évolution de la part des carburants dans le budget des ménages mérite attention. Selon Régis Arthaut, cité par Le Monde du 12/09/05, « la part du budget que les ménages consacrent aux transports est passée de 10,6 % à 15,6 % entre 1960 et 1989. Elle s’est stabilisée depuis et s’est située à 14,9 % en 2004. »

Les objectifs de sobriété sont certainement légitimes, mais il n’est pas sûr qu’on puisse faire l’économie de les défendre pour eux-mêmes, plutôt que d’attendre qu’ils s’imposent naturellement.

[1] Total est­ largement majoritaire sur le marché français avec 2 700 stations-service et 9 milliards d’euros de profits en 2004.

[2] Shell et Esso ont, pour leur part, annoncé un investissement en vue de raffinage suppémentaire de 800 millions d’euros chacun.

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