Un rapport sur les minima sociaux

samedi 21 mai 2005.par Philippe Ladame
 
La commission des affaires sociales du Sénat, a adopté, le 11 mais 2005 un rapport sur les minima sociaux.

Ce rapport, élaboré par Valérie Létard (UC-UDF, Nord), est disponible sur le site du Sénat [1].

Mme Valérie Létard rappelle d’abord que neuf minima sociaux coexistent qui sont des allocations versées aux catégories les plus fragiles de la population : les personnes âgées, avec l’allocation supplémentaire vieillesse et, plus récemment, l’allocation équivalent retraite (AER) ; les personnes handicapées, avec l’allocation supplémentaire d’invalidité et surtout l’allocation aux adultes handicapés (AAH) ; les personnes familialement isolées, avec l’allocation de parent isolé (API) et l’allocation veuvage ; enfin, les personnes exclues du marché du travail avec l’allocation de solidarité spécifique (ASS), l’allocation d’insertion et le revenu minimum d’insertion (RMI). On compte aujourd’hui 3,3 millions d’allocataires de minima sociaux, soit 6 millions de personnes en ajoutant les membres de la famille à charge des bénéficiaires.

A cette diversité de statuts s’ajoute une grande disparité dans le montant des allocations versées, le calcul des plafonds de ressources et les conditions d’attribution des aides. Elle souligne, dans son rapport, que les prestations sont d’autant plus élevées qu’elles sont destinées à des personnes durablement ou définitivement exclues du marché du travail et plus faibles lorsqu’elles sont considérées comme le moyen de passer une période de transition avant une reprise d’activité. Des écarts inexplicables existent malgré tout au sein d’une même catégorie de destinataires, par exemple entre l’allocation veuvage et l’API.

Le rapport insiste ensuite sur l’importance des « droits connexes » : allocations (familiales, logement) ; non-imposition ; suspension des dettes fiscales ; exonération de taxe d’habitation ou de redevance audiovisuelle ; aides servies par les collectivités territoriales ...

Mme Valérie Létard déplore l’opacité du système qui crée de grandes insatisfactions. Elle souligne aussi les effets de seuil existants. Ainsi, dans le cas du RMI, la sortie du dispositif entraîne la perte immédiate du bénéfice de l’allocation logement à taux plein automatique, de l’exonération de taxe d’habitation et de redevance audiovisuelle, du droit à la CMU et à la CMUC gratuites, de la prime de Noël, ainsi que l’obligation de payer à nouveau un abonnement téléphonique à plein tarif, l’exigibilité des dettes fiscales jusqu’alors suspendues et la suppression de nombreuses aides locales. « Ce changement de statut fragilise donc les intéressés à un moment crucial de l’évolution de leur situation personnelle, alors qu’ils en ont rarement anticipé l’ampleur » explique-t-elle.

Autre source d’effet de seuils, les différences de périodes de référence pour le calcul des prestations et les délais de carence entre l’ouverture des droits et la perception de l’aide donnent un caractère heurté aux différents versements.

Sur la question de savoir si les minima sociaux incitent à l’inactivité, Mme Valérie Létard, assistante sociale de formation, estime que, « même si plusieurs enquêtes et l’expérience de terrain montrent que, le plus souvent, les personnes confrontées à ces situations ne choisissent pas délibérément de rester dans l’assistance et l’inactivité, il est incontestable que l’ensemble des contraintes et des frais à engager pour retrouver le chemin de l’emploi peuvent constituer pour elles des obstacles insurmontables ». Elle prend notamment exemple du problème de la garde des enfants, expliquant que la difficulté de trouver des places en crêche et le coût des autres solutions de garde payantes sont des obstacles à la mise en recherche d’emploi.

Mme Valérie Létard propose donc un certain nombre de pistes pour une réforme du dispositif /
- d’abord renfocer la connaissance des minima sociaux par la conduite d’études transversales sur l’ensemble des allocations et de leurs droits connexes. Cela suppose, selon elle, une centralisation de l’information et une révision de l’appareil statistique.

- ensuite d’améliorer la cohérence interne du système des minima sociaux, pour rendre l’ensemble plus compréhensible et réduire les effets de seuil.

- enfin d’accentuer l’effort en faveur du retour à l’emploi. Mme Valérie Létard propose notamment de favoriser l’accès aux modes de garde des enfants pour les allocataires de minima sociaux et de généraliser l’accompagnement vers l’emploi applicable au RMI à l’ensemble des bénéficiaires de minima sociaux.

Le rapport se conclut sur l’amorce d’une réflexion sur une transformation à plus long terme. Il évoque en particulier l’alternative : allocation universelle / allocation dégressive. Mme Valérie Létard indique son intérêt pour l’allocation compensatrice de revenu et pour le revenu de solidarité active, deux formules imaginées récemment. Elle attire cependant l’attention sur le fait que ces dispositifs ont le défaut d’encourager, de fait, les temps très partiels. Or, reconnait-elle « si ces formes d’emploi atypiques constituaient de façon habituelle une première étape vers des emplois stables et à temps complet, il pourrait être souhaitable d’encourager les bénéficiaires de minima sociaux à les occuper. Mais les études disponibles montrent qu’en réalité, les chances, pour un travailleur à temps partiel, de retrouver un emploi à temps plein sont faibles ».

[1] Le rapport est aussi téléchargeable au format .pdf (2Mo).

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