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Le samedi 5 mars, une dizaine d’associations [1] se sont mobilisées pour demander l’interdiction de l’irradiation d’aliments.
Ce procédé industriel consiste à exposer des aliments à de hautes doses de radiations ionisantes, soit par rayons gamma (issu de substances radioactives, le Cobalt 60 ou le Césium 137), soit par électrons projetés à une vitesse proche de celle de la lumière.
Ce traitement, qui supprime les bactéries et les insectes présents sur les aliments, est donc une solution radicale contre les maladies d’origine alimentaire ( salmonellose, infections à E. coli 0157:H7). Il permet, en outre, d’allonger considérablement la durée de conservation des produits irradiés.
Progrès technique, donc, dont il convient d’interroger, bien sûr, les effets. Conserver des produits agricoles plus longtemps, notamment en leur donnant, par l’irradiation, une "nouvelle jeunesse" après un stockage et/ou un voyage un peu long, c’est favoriser les possiblités de transports longue distance de produits alimentaires, pour manger partout des fraises ou des ananas toute l’année, c’est permettre d’aller plus loin encore dans la spécialisation, chaque région du monde devenant lieu d’une mono-culture, ce qui permet d’abaisser les coûts directs.
Mais c’est faire l’impasse sur bien des coûts moins visibles ; c’est, une nouvelle fois reporter le problème sur les générations futures.
par la mise en péril de la biodiversité ;
par le gaspillage énergétique que représentent les multiples transports rendus ainsi nécessaires et qui participent au réchauffement climatique.
par la pression induite sur l’environnement naturel et humain des diverses régions du monde.
Voilà qui suffirait à faire douter de l’intérêt de se précipiter tête baissée dans l’usage irréfléchi de cette technique.
Mais même indépendamment de ces considérations générales, des voix s’élèvent pour dire leur inquiétude quant aux effets de l’irradiation des aliments sur la santé.
L’irradiation détruit une grande partie des vitamines et des nutriments présents dans les aliments ;
Les aliments irradiés paraissent sains, mais ne le sont pas toujours : en effet certaines bactéries sont bien utiles pour alerter sur l’état douteux des aliments (pourrissement, odeur) ;
Les animaux de laboratoire nourris d’aliments irradiés sur de longues périodes souffrent de nombreuses maladies génétiques, de problèmes de reproduction, de déformations et de mortalité précoce.
Selon une étude récente menée par des scientifiques allemands et français [2], une substance particulière créée par l’irradiation dans les aliments, l’alkylcyclobutanone, pourrait être facteur de cancer.
Tout ceci explique que, au niveau européen, seules les épices et les herbes aromatiques séchées sont inscrits dans la liste des aliments irradiés autorisés. La plupart des autres pays de l’Union Européenne n’autorisent pas la production d’aliments irradiés sur leur territoire et n’acceptent la commercialisation que des épices et des herbes aromatiques séchées.
La France, quant à elle, prend moins de précaution puisqu’une quinzaine de denrées et ingrédients alimentaires peuvent y être soumis à un traitement par irradiation (épices, herbes aromatiques séchées ou surgelées, oignons, ail, échalotes, légumes et fruits secs, corn flakes et muesli, viande de volaille, cuisses de grenouilles, crevettes,...).
Mais la connaissance de cette question, pourtant importante, reste incertaine. Ainsi, suivant le Rapport 2002 sur le traitement des denrées alimentaires par ionisation (.pdf de 156 Ko), « Il n’est pas possible de connaître la quantité exacte de denrées alimentaires irradiées dans l’UE en 2002 en raison de l’absence de données complètes. D’après les rapports disponibles, il s’agirait d’environ 20 000 tonnes. Une partie de cette quantité a été irradiée aux fins d’exportation. La directive n’exige pas de faire une ventilation entre la partie commercialisée dans l’UE et celle qui est exportée. (...) Au total, quelque 5000 échantillons de denrées alimentaires ont été analysés, dont 2.7 % environ (y compris les compléments alimentaires irradiés au Royaume-Uni, en Irlande, en Allemagne et aux Pays-Bas) se sont révélés irradiés et non étiquetés ; dans certains cas, il s’agissait de produits dont l’irradiation n’est pas autorisée dans l’UE. Ce pourcentage est pratiquement le double de celui de 2001 (1,4 %). En excluant les compléments alimentaires, 1,4 % des échantillons se sont révélés irradiés, ce qui représente également une augmentation par rapport à 2001 (0,6 %). »
[1] Action Consommation ; Les Amis de la Terre - France ; Association Léo Lagrange pour la Défense des Consommateurs ; ATTAC - France ; Biocoop ; Confédération Paysanne ; CRiiRAD ; Fédération Nature et Progrès ; Mouvement pour les Droits et le Respect des Générations Futures (MDRGF) ; Public Citizen ; Réseau Sortir du Nucléaire
[2] Delincée, H. and Pool-Zobel, B. « Genotoxic properties of 2-dodecyclobutanone, a compound formed on irradiation of food containing fat » Radiation Physics and Chemistry, 52:39-42, 1998.