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Des centaines de sites Web (ici, par exemple) publient ces jours-ci un entretien dans lequel Victor Hugo porte un regard critique sur les premiers mois d’exercice du pouvoir du chef de l’État ... d’alors.
On trouve notamment dans ce texte ce passage : « Quand on mesure l’homme et qu’on le trouve si petit, et qu’ensuite on mesure le succès,’ et qu’on le trouve si énorme, il est impossible que l’esprit n’éprouve pas quelque surprise. On se demande : Comment a-t-il fait ? On décompose l’aventure et l’aventurier, et en laissant à part le parti qu’il tire de son nom et certains faits extérieurs dont il s’est aidé dans son escalade, on ne trouve au fond de l’homme et de son procédé que deux choses : la ruse et l’argent. »
En réalité, bien entendu, le texte ainsi livré est un arrangement, un collage de morceaux choisis, présenté sous la forme, moderne, d’une interview.
Mais ce travail, et sa rapide propagation actuelle, témoignent de la sidération des militants politiques, tout aussi interpellés par l’irrésistible ascension du candidat Sarkozy il y a un an que par la rapidité de la chute de popularité du président élu.
Ce texte qui court le Web, est donc inspiré d’un ouvrage de Victor Hugo intitulé "Napoléon le petit" dans lequel l’écrivain militant fustige celui qui allait, si vite, trahir son serment. Google en a numérisé une édition de 1862 qu’on peut lire en ligne.
Le livre premier se conclut ainsi :
« Et voilà par quel homme la France est gouvernée ! Que dis-je, gouvernée ? possédée souverainement ! Et chaque jour, et tous les matins, par ses décrets, par ses messages, par ses harangues, par toutes les fatuités inouïes qu’il étale dans le Moniteur, cet émigré, qui ne connaît pas la France, fait la leçon à la France ! et ce faquin dit à la France qu’il l’a sauvée ! Et de qui ? d’elle-même ! Avant lui la Providence ne faisait que des sottises ; le bon Dieu l’a attendu pour tout remettre en ordre ; enfin il est venu ! Depuis trente-six ans il y avait en France toutes sortes de choses pernicieuses : cette " sonorité," la tribune ; ce vacarme, la presse ; cette insolence, la pensée ; cet abus criant, la liberté ; il est venu, lui, et à la place de la tribune il a mis le sénat ; à la place de la presse, la censure ; à la place de la pensée, l’ineptie ; à la place de la liberté, le sabre ; et de par le sabre, la censure, l’ineptie et le sénat, la France est sauvée ! Sauvée, bravo ! et de qui ? je le répète, d’elle-même ; car, qu’était-ce que la France, s’il vous plaît ? c’était une peuplade de pillards, de voleurs, de Jacques, d’assassins et de démagogues. Il a fallu la lier, cette forcenée, cette France, et c’est M. Bonaparte-Louis qui lui a mis les poucettes. Maintenant elle est au cachot, à la diète, au pain et à l’eau, punie, humiliée, garrottée,sous bonne garde ; soyez tranquilles, le sieur Bonaparte, gendarme à la résidence de l’Elysée, en répond à l’Europe ; il en fait son affaire ; cette misérable France a la camisole de force, et si elle bouge !...—Ah ! qu’est-ce que c’est que ce spectacle-là ? qu’est-ce que c’est que ce rêve-là ? qu’est-ce que c’est que ce cauchemar-là ? d’un côté une nation, la première des nations, et de l’autre un homme, le dernier des hommes, et voilà ce que cet homme fait à cette nation ! Quoi ! il la foule aux pieds, il lui rit au nez, il la raille, il la brave, il la nie, il l’insulte, il la bafoue ? Quoi ! il dit : il n’y a que moi ! Quoi ! dans ce pays de France où l’on ne pourrait pas souffleter un homme, on peut souffleter le peuple ! Ah ! quelle abominable honte ! chaque fois que M. Bonaparte crache, il faut que tous les visages s’essuient ! Et cela pourrait durer ! et vous me dites que cela durera ! Non ! non ! non ! par tout le sang que nous avons tous dans les veines, non ! cela ne durera pas ! Ah ! si cela durait, c’est qu’en effet, il n’y aurait pas de Dieu dans le ciel, ou qu’il n’y aurait plus de France sur la terre. »