La politique du Peer2Peer

vendredi 24 juin 2005.par Philippe Ladame
 
Les fournisseurs d’accès Internet sont de plus en plus sommés d’intervenir sur des questions non-techniques.

Dans un communiqué du 15/06/05 IRIS (Imaginons un Réseau Internet Solidaire) s’inquiétait de l’ordonnance de référé rendue le 13 juin 2005 par le tribunal de grande instance de Paris qui imposait à plusieurs fournisseurs d’accès français le filtrage d’un site Internet négationniste hébergé aux États-Unis.

L’ordonnance se fondait sur la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LEN) qui dispose, en effet, que « l’autorité judiciaire peut prescrire en référé ou sur requête, à toute personne mentionnée au 2 [les hébergeurs] ou, à défaut, à toute personne mentionnée au 1 [les fournisseurs d’accès], toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne ».

IRIS concluait son communiqué en disant : « La décision de filtrage du site négationniste Aaargh, hébergé aux États-Unis, ne constitue que les prémices d’un processus plus global. Les nombreux autres effets pervers de cette loi ne tarderont pas à se révéler. Comme l’a déjà déclaré IRIS à la suite de la validation de la LEN par le Conseil constitutionnel, seul le réexamen des dispositions de la loi pour la confiance dans l’économie numérique permettra d’endiguer ce processus ».

Il est effectivement probable que les fournisseurs d’accès, acteurs majeurs du fait du développement fulgurant du nombre de connectés, n’ont pas fini d’être sollicités pour intervenir sur des questions aussi bien morales, qu’économiques.

Ainsi la Chambre Syndicale des Producteurs de Films (CSPF), la société Galatée Films et de nombreux syndicats et fédérations de la production cinématographique ont publié un communiqué le 23/06/05, dans lequel ils annoncent leur intention de dénoncer « les agissements d’annonceurs qui, par leurs investissements publicitaires, contribuent à financer les réseaux de téléchargement illicite de films ».

Les producteurs s’en prennent aux sites qui favorisent le téléchargement de logiciels Peer2Peer [1] ou se consacrent au sujet. Ces sites [2] ne mettent pas, eux mêmes, de copies illicites de films à disposition, mais, profitant de la popularité du phénomène, ils bénéficient de nombreuses connexions et donc de rentrées financières, du fait des publicités qu’ils hébergent.

Ainsi, Neuf Télécom, Télécom Italia, AOL, La Française des Jeux, la SNCF, Finaref et le Groupe Partouche, utilisant certains de ces sites pour leur publicité, les sociétés Galatée Films et Pathé Renn Production, productrices des « Choristes », ont délivré une citation directe devant le tribunal correctionnel de Paris à leur encontre pour délit de complicité de contrefaçon.

« Outre la question de la complicité de contrefaçon, poursuit le communiqué, les Fournisseurs d’Accès à Internet devraient encourir une responsabilité supplémentaire dès lors que leur activité apparaît susceptible de relever de la provocation au délit en offrant à l’internaute les moyens techniques nécessaires à l’accomplissement du délit. »

Alors que des points de droits essentiels méritent, pour le moins, une redéfinition (droit d’auteur, propriété intellectuelle, brevetabilité, droit à la copie privée ; etc.), la tendance à mettre les fournisseurs techniques en position d’arbitres, de policiers ou de juges promet d’être porteuse de pas mal de confusion dans les mois et les années qui viennent.

[1] Les logiciels "de pair à pair" facilitent les échanges directs de fichiers d’un ordinateur à un autre, (comme on échange des fichiers entre une clé USB vers un disque dur, par exemple).

[2] Par exemple http://www.divx2dvd.com/.

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