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Sur le vol Paris-Alger du 25 octobre à 15h45 au départ d’Orly, il s’est trouvé "des gens bien, … courageux, solidaires et intelligents" pour empêcher qu’un Sans-papier soit -illégalement- expulsé vers son pays.
La solidarité peut payer et, même au royaume de Brice Hortefeux, le pire n’est pas toujours sûr. C’est ce que montre l’histoire, exemplaire, de B.A. ; elle met notamment en lumière l’impérieuse nécessité pour les Sans-papiers de n’être pas isolés et de se regrouper au sein d’un collectif. Elle montre surtout comment quelques citoyens déterminés peuvent inverser les rapports de force, dans le sens d’une humanité grandissante.
Témoignages :
B.A. est Algérien, en situation irrégulière sur le territoire français depuis trois ans : son titre de séjour lui a été refusé deux fois. Il vit à Lille avec une Française (ils se sont pacsés en juin 2008) et est sous le coup d’un arrêté de reconduite à la frontière.
B.A. est arrêté dans la rue (raflé) le mercredi 22 octobre ; il est aussitôt placé en garde à vue de 48 heures, durant laquelle il lui est interdit de manger et de dormir ; la police des frontières veut faire pression sur lui pour récupérer son passeport en vue d’une expulsion directe. Autorisé à ne passer qu’un seul coup de fil durant les 48 heures, B.A. prévient sa compagne de son arrestation. La PAF s’acharne alors sur elle, la harcelant afin qu’elle amène le passeport. Le jeudi 23 octobre, la PAF se livre à une mise à sac en règle particulièrement musclée de l’appartement de B.A. et de sa compagne (traumatisée), sans effraction mais sans ordre de perquisition non plus, pour mettre la main sur le fameux passeport ; mais en vain.
Vendredi 24, à l’expiration du délai de garde à vue, B.A. est transféré au centre de rétention de Lesquin. Il doit comparaître le samedi matin à 9 heures au tribunal de grande instance de Lille pour une prolongation de rétention. Sa famille, ses amis et des militants du Collectif des Sans-papiers de Lille (CSP59) attendent au TGI. Mais, à l’heure dite, B.A. n’a toujours pas quitté Lesquin ; les policiers du CRA lui demandent à 11h de préparer ses affaires en lui annonçant un départ pour l’aéroport d’Orly.
Entre-temps au tribunal, le groupe du CSP59 est hyper réactif : comprenant qu’il y a anguille sous roche, un groupe file devant le centre de rétention de Lesquin, pendant qu’un autre groupe s’inquiète des vols programmés dans la journée pour l’Algerie ; le "Bureau des éloignements" lui confirme que B.A. sera sur le vol d’Orly de 15h45. Dans le même temps, le groupe de Lesquin voit B.A. sortir en voiture et sous escorte du CRA : direction Paris.
Aussi sec, le CSP59 s’organise. Il prévient le CSP de Paris qui se mobilise aussitôt pour rejoindre Orly et y attendre B.A.. A Lille, des voitures sont rapidement remplies : la compagne de B.A., les parents et la grand-mère de celle-ci, ainsi que des amis (en tout une dizaine de personnes) s’élancent sur l’autoroute vers Paris et Orly.
Les deux collectifs des Sans-papiers (de Paris et de Lille) se rejoignent à Orly à l’embarquement du vol de 15h45 pour Alger. Ils interpellent les passagers à l’enregistrement de leurs bagages, en les sensibilisant sur la situation de B.A.. Sans doute ni la compagne de B.A., ni la grand-mère de celle-ci, ni ses amis, ne font figure de dangereux extrémistes gauchistes, et sans doute trouvent-ils les mots pour convaincre …
… La suite est relatée dans un blog par un passager du vol Paris-Alger de ce samedi 25 octobre. Ce court texte mérite vraiment d’être lu, tant il témoigne d’une mobilisation citoyenne improvisée, fondée sur la résistance passive.
Résumons : B.A., qui avait feint la soumission aux policiers durant tout le trajet Lille-Orly, manifeste bruyamment au fond de l’avion, suscitant l’émoi des voyageurs. Les passagers sont partagés entre indifférence, malaise, colère et détermination à venir en aide à B.A.. Durant une heure, en partie aidés par le personnel de bord, ils résistent aux intimidations des policiers qui les menacent de poursuite judiciaire pour "entrave à une décision de justice", en restant tout simplement debout, empêchant ainsi l’avion de décoller. De guerre lasse, les policiers décident de descendre de l’avion avec leur prisonnier, sous les applaudissements de joie de presque toute la cabine et du personnel de bord.
Comme le rapporte ce témoin : « La machine à briser aléatoirement des vies a été enrayée pour cette fois. […] J’ai voyagé avec des gens courageux, solidaires et intelligents. Humains tout simplement ».
A sa descente de l’avion, B.A. a été a nouveau gardé à vue 24 heures à Orly, puis relâché. L’arrêté de reconduite à la frontière court toujours jusqu’à fin novembre et il doit, d’ici-là, se cacher. Il passera en jugement le 26 février 2009 … pour refus d’obtempérer aux forces de police et de monter dans l’avion !
Il espère toujours la régularisation de sa situation.